Le sauveteur secouriste du travail (SST) engage-t-il sa responsabilité civile et pénale lorsqu’il intervient sur un accident ?
Lors d’un accident du travail, un salarié formé au secourisme et aux premiers secours peut être amené à intervenir pour protéger, examiner la victime, faire alerter les secours spécialisés et secourir.
Son intervention s’inscrit dans un cadre légal qui permet de définir dans quelles conditions le SST peut être amené à voir sa responsabilité engagée à l’issue de son action.
Rappelons tout d’abord que l’employeur est responsable de la sécurité et de la santé physique et mentale de ses salariés ; il a aussi l’obligation d’organiser les secours dans l’entreprise.
L’un des moyens de remplir ces obligations consiste à disposer en interne de salariés formés aux gestes de premiers secours et de plus sensibilisés à la prévention des risques professionnels.
A la mise en cause possible de la responsabilité de l’employeur en cas de carence dans l’organisation des secours répond l’éventuelle mise en cause du salarié SST s’il cause un dommage à la victime.
On comprend l’inquiétude que pourrait ressentir un salarié relativement aux conséquences potentielles de gestes insuffisants ou maladroits qui auraient pour conséquence d’aggraver l’état de la victime.
Quel est le rôle du SST dans l’entreprise ?
Le SST doit pouvoir intervenir immédiatement et efficacement en cas d’accident du travail pour protéger la victime, mais aussi ses collègues ou toute autre personne présente sur les lieux, examiner la victime afin de déterminer à quelle(s) détresse(s) vitale(s) il fait face, faire alerter le plus tôt possible les secours spécialisés (appel au 15, 18 ou 112) et enfin porter assistance à la victime en mettant en œuvre les conduites à tenir et les gestes techniques appris en formation.
L’intervention du SST est limitée dans le temps, entre le moment où il se rend sur la scène d’accident et l’arrivée des secours spécialisés qui prendront le relais, limitée dans les moyens car bien souvent le SST ne dispose que d’une trousse de 1er secours (gants jetables, pansement compressif, couverture de survie, protection faciale pour insufflations, etc.) et enfin limitée dans l’espace. En effet, le SST intervient dans les locaux de son entreprise uniquement (y compris les chantiers extérieurs) et sous la responsabilité de son employeur.
Le SST peut-il voir sa responsabilité engagée si les gestes qu’il réalise pendant son intervention ont pour conséquence d’aggraver l’état de la victime ou de lui causer un dommage ?
En droit français, on distingue l’action civile de l’action pénale. La responsabilité civile est une responsabilité de réparation. L’article 1240 du code civil dispose que tout citoyen est responsable des dommages qu’il cause et se doit de les réparer. C’est la victime qui poursuit l’auteur des faits en justice pour obtenir des dommages-intérêts. La responsabilité pénale est une responsabilité de répression par laquelle la société poursuit une personne qui a contrevenu à une règle d’ordre public. Par exemple, le dépassement de la vitesse limite entraine la condamnation au paiement d’une amende.
Si l’intervention du salarié SST a pour conséquence d’infliger des dommages à la victime, celle-ci peut lui demander réparation pour les blessures subies par sa faute. Il faut cependant distinguer selon la qualité de la victime :
- Si le sauveteur et la victime sont tous les deux salariés de la même entreprise, le recours de la victime contre son collègue SST n’est pas possible car le risque accident du travail est encadré par un régime d’assurance. La victime de l’accident est prise en charge au titre d’un accident du travail ; elle aura droit à une indemnisation forfaitaire versée par la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie). Cette couverture lui interdit de prétendre à des indemnisations ou des prestations complémentaires. De ce fait, le salarié victime ne peut engager d’action en responsabilité civile à l’encontre de son collègue SST ou de son employeur.
- Si la victime n’est pas un collègue du sauveteur, par ex. un fournisseur ou un client présent dans les locaux, la victime pourra se retourner en responsabilité civile à l’encontre du SST lui ayant causé des dommages en raison de gestes maladroits ou inadaptés. Cependant, dans la mesure ou l’article 1242 du code civil prévoit que l’employeur est responsable des dommages causés par ses salariés dans le cadre leurs fonctions, y compris dans leur rôle de secouriste. Le sauveteur intervient donc auprès d’une victime d’accident sous l’autorité et la responsabilité de son employeur. C’est donc celui-ci qui est civilement responsable, quand bien même le secouriste aurait commis des actes pénalement répréhensibles.
Le salarié SST peut-il être poursuivi au pénal s’il cause des dommages à la victime ?
Le salarié SST est avant tout un citoyen, et comme tout citoyen, il peut voir sa responsabilité pénale engagée s’il commet une faute répréhensible en droit pénal dans le cadre de son intervention de premiers secours à victime.
Différents cas de figure peuvent se présenter :
- Le salarié SST peut être poursuivi pour le fait d’avoir aggravé l’état de la victime ou avoir causé sa mort, de manière involontaire, par maladresse, imprudence, négligence ou en cas de non-respect d’une obligation de sécurité ou de prudence qui s’imposait à lui en raison de la loi ou d’un règlement ( 121-3 du code pénal)
- Le salarié SST peut également être poursuivi pour non-assistance à personne en péril s’il s’abstient volontairement de porter assistance à une victime, dès lors qu’il pouvait le faire sans se mettre lui-même en danger. La loi lui permet d’adapter son intervention aux circonstances. Ainsi, en cas de danger persistant identifié sur les lieux de l’accident (un incendie en cours, un risque électrique non maitrisé, un animal menaçant empêchant d’approcher de la victime, un effondrement à redouter, etc.), tout citoyen, et donc tout membre du personnel formé SST a le libre choix des modalités d’action : intervenir personnellement ou alerter les secours. On ne pourra pas reprocher au salarié SST de ne pas s’être engagé dans une pièce en feu, saturée de fumées toxiques, au péril de sa vie ; en revanche, il lui sera reproché son inaction s’il s’avère qu’il n’a pas effectué toutes les diligences nécessaires pour alerter les secours spécialisés (art 223-6 du code pénal)
Un membre du personnel formé SST a-t-il le droit d’intervenir pour secourir une victime en dehors de son entreprise ?
Si un salarié SST intervient comme secouriste en dehors de son lieu et de son temps de travail, il le fera en tant que citoyen. Il n’a ni plus de droits ni plus de devoirs que n’importe quel autre citoyen français face à la même situation (cf ci-dessus l’obligation de porter assistance à toute personne en danger). Cependant, dans la mesure où il a été formé aux gestes de premiers secours, son inaction éventuelle face à une situation d’accident ou de malaise avec victime serait d’autant plus incompréhensive.
Quand le salarié SST intervient dans l’espace privé ou public, en dehors de son entreprise, il n’agit plus sous la subordination de l’employeur, donc il n’engage pas la responsabilité civile de dernier. Il agit de sa propre initiative, sous sa propre responsabilité civile, sur la base des articles 1240 et 1241 du code civil.
Au pénal, il pourra être poursuivi pour homicide ou blessures involontaires.
Un salarié SST peut-il transporter une victime à l’hôpital ?
Dans la conduite à tenir en situation d’accident, le salarié formé au SST a appris la nécessité de faire alerter le plus rapidement possible les secours spécialisés (Sapeurs-Pompiers ou SAMU), à charge pour eux de déterminer comment adapter la prise en charge de la victime, si besoin en la faisant transporter à l’hôpital.
Cependant, le SAMU peut estimer que l’état de santé du salarié victime d’un accident du travail ou d’un malaise ne justifie pas une prise en charge urgente. Il peut néanmoins être nécessaire de procéder à son retour au domicile, ou de lui faire suivre une consultation médicale avec ou sans soins.
Le salarié SST ne disposant ni de moyens automobiles adaptés ni de la formation nécessaire au transport d’un blessé, Il faut éviter autant que possible de procéder à ce transport avec un véhicule de l’entreprise ou la voiture personnelle du SST. En cas d’accident de la circulation venant aggraver l’état de santé de la victime, celle-ci pourrait se retourner contre l’assurance automobile du conducteur. Au-delà de la question des assurances nécessaires, cela pourrait entrainer la mise en cause de l’employeur au titre d’une défaillance de sa part dans l’organisation des secours dans l’entreprise (art R 4224-16 du code du travail)
Le chef d’entreprise doit prévoir, dans un protocole écrit mis à disposition de l’inspection du travail, les modalités de prise en charge des salariés malades ou victimes d’un malaise dont l’état ne nécessite pas un transport à l’hôpital. Il y aura lieu dans ce cas de recourir aux services d’un taxi, d’un VSL (véhicule sanitaire léger) ou d’une ambulance privée.